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Publisher: Rice University
Place of publication: Houston, Tx
Publication date: 2005
Identifier: TIMEA, MusBo1872
Availability:
Publicly available via the Travelers in the Middle East Archive (TIMEA)
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(Status: unknown)
Source(s):
Title: Album du Musée de Boulaq
Statement of responsibility: Comprenant
Quarante Planches,
Photographiées
Par MM. Délié Et Béchard.
COMPRENANT QUARANTE PLANCHES photographiées PAR
MM. DÉLIÉ ET BÉCHARD AVEC UN TEXTE
EXPLICATIF rédieé PAR AUGUSTS MARIETTE-BEY
LE CAIRE
MOURES & CIE, IMPRIMEURS-BÉDITEURS
1872
Musée de Boulaq, Ier Novembre 1871.
MM. Hippolyte DÉLIÉ et BÉCHARD s'adressent à la
Direction du Musée de Boulaq pour obtenir l'autorisation de
reproduire par la photographie quelques-uns des monuments exposÉs
dans nos galeries. Non—seulement la demande formulée
par MM. DÉIÉ et BÉCHARD est accueillie avec empressement, mais le Directeur du
Musée croit devoir favoriser l'oeuvre des excellents
photographes du Caire, en ouvrant pour eux les armoires du Musée
et en choisissant parmi les objets qui y sont contenus ceux qui lui ont
paru les plus dignes de figurer dans l'Album projeté.
MM. DÉLIÉ et BÉCHARD ont suivi, pour le classement et l'arrangement de
leurs épreuves, l'ordre adopté dans la Notice sommaire qui se vend à la porte du
Musée. Trois planches où le Musée est
représenté à l'intérieur et
à l'extÉrieur servent d'introduction à l'Album.
Les monuments viennent ensuite, classés en monuments religieux,
monuments funéraires, monuments civils, monuments historiques,
monuments grecs et romains. L'Album photographique de MM. DÉLIÉ et BÉCHARD est ainsi comme un Catalogue
illustré du Musée.
La remarquable exécution des planches nous permet d'ailleurs de
recommander à tout le monde l'Album de MM. DÉLIÉ et BÉCHARD. Les voyageurs
l'emporteront en effet comme un souvenir de leur visite an Musée
de Boulaq. Les savants y trouveront les textes hiéroglyphiques
reproduits avec une netteté qui les met en présence
des monuments eux-mêmes. Les artistes enfin
n'étudieront en aucun ouvrage d'égyptologie, aussi
bien que dans les belles épreuves sorties des appareils de MM.
DÉLIÉ et BÉCHARD, les difficiles
problèmes qui se rapportent à l'histoire de l'art en
Égypte.
A. M.
PLANCHE 1 VUES PITTORESQUES
PLANCHE 1 VUES PITTORESQUES
Nous sommes dans l'automne de l'Egypte, c'est-à-dire à la
fin de la deuxième quinzaine d'avril. Les arbres viennent de
perdre leurs feuilles; encore quelques jours, les feuilles nouvelles
pousseront, couvrant d'un rideau de verdure le Musée et la cour
qui le précède.
A travers les Éclaircics formées par les branches
dépouillées des arbres, on aperĉoit tant
bien que mal les bâtiments du MusÉe. Les sphinx qui
surmontent les massifs placés de chaque
côté des portes sont en plâtre et ont
été moulés sur un des sphinx de
l'allée du SérapÉum (Saqqarah). A gauche est le
Nil. Dans le lointain, à côté de la
cheminée d'une pompe hydraulique servant à l'arrosage des
terres, est le palais de Gézyrch, résidence du
Vice-Roi. Une petite table disposée au milieu de la cour
étonnerait par sa présence en ce lieu sil'on n'y
reconnaissait la table sur laquelle, au moment où MM.
Délié et Béchard exécutaient la vue
reproduite sur notre planche I, on arrangeait les monuments qui forment la
planche 23.
On voit par cette planche que le Musée est
situé au bord du Nil et à pic sur le fleuve. Les
cordages qui traversent la cour servent à mettre à terre,
au moyen de la grue à laquelle ils aboutissent. les monuments
pesants que les fouilles envoient au Musée et qui, pour y
arriver, n'ont pas d'autre chemin que le Nil.
Nous sommes dans l'intérieur du Musée et la vue que nous
avons sous les yeux est celle de la nef principale de la Salle du Centre.
Le spectateur est placé au fond de la salle, à
côté de la statue de Chéphren (pl. 26). Au
centre du meuble octogone est la statuette de Nefer-Toum (pl. 5). On
aperĉoit à l'extrémité de la salle
l'inappréciable groupe trouvé à Saqqarah dans
la tombe de Psamétik (pl. 10). Contre les piliers sont
adossées quelques-unes de ces statues de l'Ancien-Empire dont le
Musée possède une si nombreuse collection.
A gauche une échappée de vue laisse voir deux des armoires
de l'une des nefs latérales de la même salle, et
entre ces deux armoires une boîte de momie est debout. Faute de
place, c'est dans cette position que nous avons exposé toutes les
boîtes de momies du Musée. Il ne faudrait pas
cependant conclure de là que telle était la position
normale des cercueils dans les tombes où on les trouve. Contrairement
à une opinion acceptée par quelques
archéologues, les cercueils sont toujours couchés sur le
dos, et on peut affirmer que cette règle ne souffre aucune
exception. Dans une religion comme la religion égyptienne
où tout est symbole, on ne concevrait pas d'ailleurs que l'on
ait donné à l'homme gisant dans le tombeau et
attendant l'heure suprême de la résurrection la
position de l'homme debout et vivant. Sur quelques momies on remarque, non
sans quelque surprise, que la plante des pieds a été
arrachée, roulée sur elle-même et
déposée dans la cavité abdominale: ainsi
commence, par le brusque retranchement de la partie du corps qui a le plus
souvent touché la terre, l'épuration du défunt.
Mais cette opération n'aurait plus sa raison d'être
si le mort, debout dans son tombeau, devait encore souiller ses pieds au
contact de cette fange terrestre qu'il a quittée pour jamais.
On sait que le Musée n'est qu'à titre provisoire dans les
bâtiments qui le contiennent aujourd'hui. 11 ne faut donc pas en
regarder l'architecture intérieure, telle que la montre la
planche 2 de MM. Délié et Béchard, comme voulue
et cherchée. D'anciens magasins, transformés en
galeries, permettent d'attendre la construction prochaine du
Musée monumental qu'il est dans l'intention de S. A. le
Khédive d'élever au centre du quartier nouveau dont
sa libéralité a enrichi la ville du Caire.
Salle du Centre. Nef latérale située à droite en
entrant dans la salle, Les armoires en vue conservent une partie de la
collection des objets funéraires (armoires Q, R, S, T, U, V). Le
milieu de la nef est occupé par la statue de bois que nous
reproduisons plus bas sur nos planches 18 et 19.
Tout le monde sait de quelles circonstances, heureuses d'un
côté, fâcheuses et déplorables
de l'autre, le Musée de Boulaq est sorti. Le Musée de
Boulaq est sorti de l'excès même du mal qu'il est
appelé à guérir. Aucune civilisation n'a
laissé plus de monuments que la civilisation de l'ancienne
Égypte, et on peut affirmer en toute vérité
que l'Égypte étonne par la grandeur et la
magnificence de ses ruines. Mais ce que, pendant des siècles, la
superstition, l'ignorance, la cupidité, l'insouciance ont
coûté aux derniers restes de l'empire des Pharaons
est impossible à dire. Pendant des siècles, en effet,
ces débris précieux ont été
pillés, ravagés, dispersés,
anéantis, si bien qu'apres tant de catastrophes
accumulées, on s'étonne qu'il en soit venu un seul
fragment jusqu'à nous. Ajoutons que, depuis cinquante ans,
l'Égypte a tiré de ses entrailles, pour les donner
à l'Europe, une demi-douzaine de Musées
Égyptiens, et que ceux qui formaient ces Musées, et
en spéculaient, ne craignaient pas, pour avoir une statue, de
démolir un temple, pour avoir un sarcophage, de
démolir un tombeau. Or, il était impossible qu'une
fois entrée dans la voie du progrès où
nous la voyons aujourd'hui marcher, l'Égypte permît
que l'on continuât à prendre ses ruines comme une
carrière, et les parchemins de son antique noblesse comme une
marchandise. Le Service de Conservation des Antiquités de
l'Egypte a donc été créé, et avec
lui les fouilles qui, dès 1863, permettaient d'ouvrir au public
le Musée dont la planche 5 de MM. Délié et
Béchard présente unc vue intérieure.
Avec la planche 4 commence la série des monuments religieux.
Les divinités dont les images couvrent les temples et dont les statues
emplissent les vitrines de nos Musées ont cela de particulier
qu'elles se présentent à nous sous des formes si
souvent extraordinaires et bizarres que tout d'abord on est tenté de
refuser à la religion égyptienne tout fondement
sérieux. Mais le progrès de la science permet d'avoir
une vue. chaque jour de plus en plus claire, de la base sur laquelle
s'élevait cette religion et de constater qu'en
résumé l'Egypte a conservé au fond de ses
sanctuaires un ensemble de dogmes religieux vraiment dignes de ce nom. Ce
que les textes hiéroglyphiques démontrent, en effet,
c'est que l'Egypte croyait à un dieu unique, éternel,
incréé, inaccessible, incommensurable, sans nom. sans
forme, sans commencement ni fin. Il est l'auteur de tout ce qui est, et
tout ce qui est vient de lui pour retourner à lui. Mais cette
notion d'un dieu abstrait était réservée, ce
semble, aux sanctuaires et aux seuls initiés qui avaient le
droit d'y pénétrer. Pour les autres, l'Égypte
rangeait autour du dieu invisible et impalpable, du dieu que l'on ne peut
voir et adorer que par la pensée, toute une
hiérarchie de dieux secondaires. Ceux-ci participent aux
qualités essentielles de l'Être; ils sont immortels,
incréés, éternels. Mais ils se laissent voir
sous les formes qu'à bon droit nous trouvons quelquefois
étranges, et ils remplissent des rôles divers qui
toujours les rapprochent plus ou moins des hommes et de la création.
En jetant les yeux sur les sept planches que MM. Délié et
Béchard ont consacrées à la reproduction
des principales figures de divinités que possède le
Musée, il ne faut donc pas dire avec saint Cyprien: aegyptia portenta, non numina. Au sommet du
panthéon égyptien plane le dieu inaccessible de la
philosophie; plus bas sont rangés d'autres dieux, formes
visibles de l'Être, en qui se personnifient les attributs du
dieu suprême et les lois qui régissent
éternellement le monde. Ce sont ces dieux visibles qui occupent
les sept planches où se résume dans l'ouvrage de MM.
Délié et Béchard le panthéon
égyptien.
La planche 4 est réservée à Osiris et aux
divinités principales de son mythe. Au centre et sur les
côtés est le dieu lui-même. Isis (Nos 115) accompagnée de deux
Harpocrates (Nos 240, 241) est en dessous de la
figurine principale. Deux Apis et deux têtes d'Anubis terminent
le tableau à chaque extrémité.
Nous n'avons que quelques mots à dire d'Osiris et de la place qu'il
occupe dans le ciel égyptien. Considéré
dans son essence, Osiris est le dieu bon. D'après les traditions
il était autrefois descendu sur la terre; mais il y avait
rencontré Set, tout à la fois son ennemi et son
frère. Or, Set était sur la terre le
représentant du mal, comme Osiris y était la
personnification du bien. Qu'une lutte se serait engagée, lutte
dans laquelle Osiris périt pour ressusciter ensuite et remonter
au ciel, c'est ce que chacun peut conclure des principes mêmes
que représentent les deux antagonistes. Pour avoir une
idée du caractère principal sur lequel nous devons
envisager le rôle d'Osiris, il faut donc regarder ce dieu comme
une des personnifications de cette doctrine qui partage le monde entre deux
principes éternellement rivaux.
Mais de même qu'Osiris est le bien vainqueur du mal, il est aussi la
lumière qui triomphe des ténèbres, la vie
qui triomphe de la mort, et c'est avec ces attributs nouveaux quil nous
apparaît le plus souvent dans les Musées et sur les
monuments où sa figure est reproduite. En effet, la
destinée de l'homme, sa vie, sa mort et sa naissance dans un
monde que la mort n'atteindra plus, ont été
assimilées par les Egyptiens au soleil, à sa course
brillante sur nos têtes, à son parcours sous nos pieds
à travers le monde des ténèbres, et enfin
à sa résurrection de chaque jour à l'horizon
oriental. Or, Osiris, principe du bien, est le soleil sous nos pieds. C'est
lui qui au moment suprême, quand l'âme se
sépare du corps et s'élance dans les espaces sans fin,
s'empare d'elle, la conduit, se substitue à elle, subit pour
elle les épreuves auxquelles elle doit être soumisc
pour justifier de ses droits à pénétrer dans le
monde des élus. Osiris est ainsi, non pas le dieu des morts,
mais le dieu des âmes qui, semblables au soleil luttant contre
les ténèbres de la nuit, luttent contre les
ténèbres de l'enfer.
En somme on voit pourquoi les images d'Osiris se montrent si
fréquemment sur les monuments funéraires. Osiris est
le conducteur de l'âme dans les épreuves qu'elle doit
subir depuis sa séparation du corps jusqu'au moment où
elle est jugée digne d'entrer dans ce monde nouveau
où Osiris ne règne plus, puisqu'on n'y connaît
ni le mal, ni les ténèbres, ni la mort.
Nous retrouvons d'ailleurs les mêmes idées dans l'Isis dont
la statuette (Nos 115) occupe le milieu de la
planche 4. Isis est l'épouse et la saeur d'Osiris. Aidée
de Nephthys, elle a ressuscité le dieu quand il a
péri victime des embûches de Set. Aussi est-elle
représentée par les écrivains de la tradition
classique comme celle qui aime le bien, qui s'offre à lui pour
qu'il la féconde. C'est même dans ce rôle
d'épouse et de mère divine qu'elle
apparaît le plus souvent sur les monuments. Harpocrate est alors sur
ses genoux, se nourrissant du lait divin. Les
ténèbres sont vaincues, le mal est terrassé,
et à l'horizon oriental se lève le soleil
resplendissant du matin. Ce sont ces idées
que représente le groupe de la mère allaitant son
divin fils, puisque dans le dieu enfant assis sur les genoux de sa
mère, l'Égyptien voyait une image du soleil levant de
même qu'un symbole de la récompense promise
à ses vertus.
C'est aussi Harpocrate que représentent les deux charmantes statuettes
placées au milieu de la planche 4 à
côté d' Isis (Nos 240, 241).
Ici le dieu est debout. Il a sur
l'oreille droite la tresse de
cheveux qui, dans les habitudes des monuments Égyptiens,
symbolise l'enfance. Comme tous les dieux enfants il est nu, et comme eux aussi
il porte à sa bouche l'extrémité de son
doigt, geste mal interprété par les Grecs qui ont
fait de 1 Harpocrate égyptien le dieu du silence. Mais sous cette
seconde forme Harpocrate est moins que tout à l'heure
l'Harpocrate de la résurrection des morts. Il joue, par rapport
à Isis et à Osiris, le rôle du fils dans la
triade des temples. Il est le dieu à la fois son propre
père et son propre fils. Il est le principe mâle qui s'est
engendré lui-même dans le sein de sa mère,
s'affirmant ainsi comme immortel et incréé.
Apis, représenté sous la forme d'un taureau, la
tête coiffée du disque lunaire, occupe une place
à part dans le mythe d'Osiris. Cette fois nous n'avons plus affaire
à l'Osiris des régions funéraires. C'est
le dieu bon par excellence qui est devant nous; c'est le dieu qui autrefois
était descendu sur la terre pour adoucir les maeurs des hommes
et qui, de temps à autre, se manifeste encore à eux sous
la forme d'un vulgaire quadrupède. Tel est, en effet, le
caractère d'Apis. Apis est Osiris fait chair. Sa mère
est une vache que le contact du mâle n'a point souillée.
Son père est le dieu Phtah qui, pour féconder la
mère, prend la forme d'un feu descendu du ciel. On reconnaissait
qu'Osiris se manifestait (ce qui n'arrivait pas toujours) quand, en un lieu
quelconque de l'Égypte, naissait un veau pourvu des vingt-huit
marques qui révélaient aux prêtres son
origine céleste.
Suite du panthéon. La grande figure qui est au milieu de la planche
est celle du dieu appelé Nefer-Toum. Le dieu est debout, la main
droite armée d'une sorte de cimeterre. Comme fils de Bast, il
personnifie l'irradiation solaire, c'est-à-dire la chaleur qui
donne et entretient la vie. Plus souvent Nefer-Toum intervient comme l'un
des assesseurs d'Osiris, et dans ce nouveau rôle il est parmi
ceux qui aident le dieu à combattre et à renverser
ses ennemis.
A gauche de la planche, un ichneumon debout attire l'attention. L'animal
sacré est ici dans la pose d'adoration devant le soleil levant.
Dans les idées égyptiennes, l'ichneumon est
à la fois mâle et femelle, et cet hermaphrodisme
supposé, qui fait de l'ichneumon un autre symbole du dieu qui,
s'engendrant lui-même, est à la fois son propre
père et son propre fils, nous aide suffisamment à
comprendre les causes qui ont décidé les
égyptiens à admettre l'ichneumon au nombre de leurs
animaux sacrés.
Thouëris, sous la forme d'un hippopotame femelle debout, occupe
l'autre extrémité de la planche. Nul doute que
Thouëris n'appartienne pour le rôle qui lui est
propre au grand mythe dont Osiris est la personnification. Thouëris
(ou Apet, comme les hiéroglyphes
l'appellent) est, en effet, la déesse des évolutions
astronomiques et du retour successif des années. En outre, les
deux anneaux sur lesquels ses pattes de devant sont posées (ils
sont peu visibles sur la planche) se lient aux idées de la
préservation du mal obtenue par les moyens magiques si chers aux
égyptiens des Pharaons. Nous trouvons donc ici de nouveau le mal
vaincu et l'éternité qui se déroule devant
les morts par périodes toujours renouvelées.
Le petit groupe qui porte le No 106 n'a pas besoin d'explication. Osiris est
debout, soutenu d'un côté par Isis, sa femme, et de
l'autre par Horus, son fils. Nous avons donc sous les yeux la triade
d'Osiris. Seulement le dieu fils, qui tout à l'heure
était Harpocrate (Harpocrate signifie en égyptien Horus enfant), est ici l'Horus-Soleil, le soleil
enfant devenu grand et accomplissant au-dessus de nos têtes sa
brillante carrière. Ainsi se complète cette doctrine
curieuse qui fait du soleil le signe visible de la divinité, et
qui l'appelle Osiris quand il est sous nos pieds, Horus quand il est sur nos
têtes, Harpocrate quand il se lève à
l'horizon du matin, et enfin Toum quand, le soir de chaque jour, il semble
mourir à l'horizon occidental pour renaître le
lendemain vainqueur de la nuit et de la mort.
Ammon est représenté sur la planche 5 par les deux
statuettes qui portent les Nos 142 et 143.
Ammon est le dieu principal de Thèbes. Son nom signifie le caché, et, en effet, il personnifie
dans la cosmogonie égyptienne la force cachée dans la
nature qui fait tout croître et entretient partout la vie. Sous
sa forme plus spécialement thébaine, il est Ammon-Ra,
c'est-à-dire Ammon associé au dieu dans lequel les
égyptiens voyaient une personnification de cette chaleur solaire
sans laquelle toute vie s'éteindrait bientôt
à la surface de la terre.
Le bronze qui porte le Nos 167 se recommande par sa
parfaite conservation et l'élégance de son
exécution. Hathor, sous la forme de femme à
tête de vache, est la déesse qu'il
représente. La place qu'occupé Hathor dans le ciel
égyptien est aujourd'hui parfaitement définie. Hathor
est aux égyptiens ce qu'Aphrodite (Vénus) est aux
Grecs: elle est la déesse de la beauté. Mais les
égyptiens ont su retenir leur Hathor sur la pente où
les Grecs ont laissé glisser leur Aphrodite. Pour les Grecs,
Aphrodite est devenue la déesse de la beauté
sensuelle. Sous le nom d'Aphrodite Pandémos, elle a
été la protectrice des courtisanes. Elle a
présidé au mariage qu'elle savait rendre
fécond, et son fils Eros était honoré par des
fêtes que tout le monde connaît. Hathor a su se
conserver des autels plus purs, et si elle est la déesse de la
beauté, si en cette qualité elle préside
à l'évolution de l'année, si elle devient
l'étoile Sirius elle-même régulatrice des
saisons, si dans tous les emblèmes qui l'entourent apparaissent les
idées de rajeunissement périodique,
d'épanouissement, de germination, c'est qu'elle est, non la
déesse de la beauté physique, mais la déesse de
cette harmonie générale de la nature qui, en
conservant partout l'ordre et la proportion, entretient partout la vie.
Telle est Hathor. Assimilée par les doctrines
égyptiennes au Beau, on la voit à Dendérah
identifiée tout à la fois au Beau, au Vrai et au Bien,
selon les idées platoniciennes qui avaient cours en
Égypte au moment où l'on construisait à
mi-chemin d'Abydos et de Thèbes le temple
célèbre que nous venons de nommer.
Troisième planche consacrée au panthéon. On y
remarque:
1° Le N° 311, statuette représentant le dieu
Phtah. Phtah est le Vulcain égyptien. Il est le
démiurge, c'est-à-dire l'artisan du monde. C'est lui qui a
suspendu dans le ciel le soleil, la lune et les étoiles. C'est
lui aussi qui a rendu la matière féconde en y
introduisant le germe qui l'oblige à se renouveler sans cesse;
2° Le N° 318. La statuette précédente
nous a montré Phtah dans son rôle actif de puissance
démiurgique. lci Phtah est devenu passif. Il a pris la forme d'un
embryon, et il apparaît ainsi comme le germe du monde visible
dont il est à la fois la cause et l'effet;
3° Le N° 329, la belle statue sans numéro qui
occupe le milieu de la planche. C'est la déesse à
tête de lionne ou de chatte. La déesse ainsi
figurée, tantôt s'appelle Bast et personnifie la chaleur qui vivifie,
tantôt s'appelle Sekhet et sons ce nom
personnifie la chaleur qui dévore et qui tue. A Memphis, Sekhet
est associée à Phtah comme la deuxième
personne de la triade. Peut-être faut-il voir dans ce
rapprochement un effet du rôle attribué au feu par
les doctrines égyptiennes dans l'aeuvre cosmogonique dont Phtah
est l'instrument principal;
4° Les deux statuettes représentant un dieu assis et tenant
sur ses genoux un rouleau de papyrus déployé. Ce dieu
est l'imouthès des égyptiens, l'Esculape des Grecs.
Les inscriptions l'appellent le fils
aîné de Phtah, et, en effet, on le trouve a Memphis comme la troisième personne de la triade. Ses fonctions dans
le ciel égyptien sont peu connues.
Thoth, sous la forme d'un dieu à tète d'Ibis, occupe le
milieu de la planche. Thoth est l'inventeur des lettres et le
secrétaire des dieux. Nous venons de voir que Phtah est la
sagesse divine qui crée; Thoth est la sagesse divine qui coordonne.
Le Nos 126 est la déesse Apet
déjà connue. Elle est ici a tète de chatte. Le
naeud symbolique sur lequel elle s'appuie se dessine sur la planche de MM.
Délie et Béchard dans toutes ses parties.
Le Nos 130 appartient à un de ces groupes
de faïence qu'on trouve si fréquemment avec les
momies. Le sens en est bien clair. Le jeune Harpocrate s'avance soutenu de
chaque côté par Isis et Nephthys. C'est l'image d'Osiris
ressuscité; c'est le soleil vainqueur des
ténèbres el renaissant à l'horizon oriental;
c'est une promesse de vie éternelle faite au défunt
dans le cercueil duquel ce joli petit monument a été
découvert.
Les Nos 120, 121, 164 et 166 sont des
représentations de divinités à
tête d'épervier entre lesquelles les
égyptiens n'ont pas toujours distingué, quoiqu'elles
personnifient toutes le Soleil à des instants divers de sa course
au-dessus de nos tètes.
Le Nos 148 est un Chnouphis, autre
démiurge associé à Phtah dans la
création du monde. Mais si Phtah personnifie le feu comme agent
démiurgique, l'eau comme agent démiurgique est
personnifiée dans Chnouphis. Aussi le culte principal de ce dieu
était-il établi à Elephantine et à
la Cataracte.
La planche 8 nous donne quelques jolis échantillons du Phtah embryon
dont nous avons précédemment parlé. Trois
d'entre eux ont sur la tête le scarabée, symbole de
la résurrection et de l'éternité, et sous les
pieds les crocodiles, symboles des ténèbres vaincues.
On ne peut pas indiquer plus clairement la nature même du type
divin ainsi figuré. C'est le monde visible sortant du chaos par la
force de l'intelligence démiurgique à laquelle on
donne le nom de Phtah, en même temps que, par une de ces
assimilations chères aux égyptiens, on peut aussi voir
dans les statuettes du dieu qui nous occupe un symbole de l'âme
dégagée de ses souillures terrestres et naissant
à la vie éternelle.
Les autres figurines qui complètent la planche 8 sont remarquables
à plusieurs titres.
Le Nos 123 serait un monument unique si le
Musée de Leyde n'en conservait un semblable. Le dieu qu'il
représente porte sur un corps d'homme une tête
d'animal qu'on n'a pas réussi jusqu'à
présent à identifier. C'est Set, le dieu du mal et le
constant adversaire d'Osiris, qui est ainsi figuré.
Le Nos 190 est le dieu monstrueux connu par un grand
nombre de figures et par les images sculptées en plein relief
qui ornent les chapiteaux des colonnes dans les temples où
s'opère symboliquement la naissance de la troisième
personne de la triade. On l'appelait autrefois Typhon; mais nous savons
aujourd'hui par les hiéroglyphes que son nom doit
être prononcé Bes. Quel est le
caractère de ce dieu étrange à la barbe
frisée, à la langue pendante, à la
crinière de lion, aux yeux de taureau, aux bras armés
du bouclier et du couteau, à la ceinture formée de deux
serpents entrelacés? C'est là une question
à laquelle il est très-difficile de répondre.
Dans son rôle le plus ordinaire, le dieu Bès ne
paraît être qu'un talisman, destiné
à préserver de toute influence pernicieuse les
personnes ou les choses auxquelles sa figure est attachée, et,
en effet, c'est avec le seul hiéroglyphe Sa,
qui désigne le pouvoir magique attribué à
certaines représentations ou à certaines paroles, qu'il se
montre sur quelques-uns des objets à usage de toilette
conservés dans nos Musées.
On a reservé la planche 9 aux figures rares qui ne prennent que
difficilement une place dans la série des divinités
du panthéon égyptien. Au milieu, est un magnifique
bronze, représentant le dieu Ka. Il a pour
tête une tête de couleuvre. C'est le dieu de la
matière.
A gauche, un bronze malheureusement mutilé nous montre un dieu
à face humaine, la tête surmontée d'une
étoile. Seb étant une des
prononciations de l'étoile. peut-être est-ce le dieu
Seb que nous avons sous les yeux, et en ce cas c'est le Saturne
égyptien que représenterait le bronze du Musée.
Peut-être aussi avons-nous tout simplement affaire à
une de ces divinités à la tête
surmontée d'une étoile qui apparaissent avec un
rôle si peu défini dans les représentations des
tombeaux.
Le dieu qui lève les bras dans l'action de frapper est l'Onouris des
monuments. On ne saurait rien affirmer sur les fonctions de ce dieu. Il est
connu cependant comme le dieu principal du nome d'Abydos, et un document
semblerait l'assimiler au Mars des Grecs.
On remarquera encore les figurés monstrueuses de Bès (Noss 355, 556), les fragments de sistres
à tête d'Hathor (Nos 369,
370), les Menat, emblème peu connu qui
paraît se rattacher aux idées de préservation
obtenue par des opérations magiques (Noss 574, 375), enfin la figure panthée qui occupe le milieu
de la partie inférieure de la planche et qui nous montre un dieu
à corps de Bès, à tête de Chnouphis
et à queue d'épervier.
La série des planches consacrées au panthéon se
termine par les trois belles statues dont la reproduction occupe toute la
planche 10. Ces trois statues ont êté
trouvées à Saqqarah, à
côté de la momie d'un fonctionnaire nommé Psamétik. Quant à
l'époque à laquelle elles remontent, elle est
certifiée par la présence dans le même
tombeau d'une statuette royale portant le cartouche de Nectanébo Ier. Nos trois monuments ne sont donc que de
quelques années antérieurs à Alexandre.
A gauche est Osiris, déjà bien connu. A droite est Isis, sa
saeur et son épouse. Au centre est un groupe composé
d'un personnage vêtu d'une longue robe, et d'une vache qui
avance la tête au-dessus de lui en signe de protection.
La signification de ce groupe ne laisse aucune prise au doute. Hathor n'est
pas seulement le Beau, identique au Bien et au Vrai; elle n'est pas
seulement l'harmonie générale du monde qui
règle le retour des saisons, qui amène à son
heure la crue du Nil et rend ainsi à l'Égypte la
richesse et la fécondité, qui maintient dans
l'univers l'ordre admirable qui en assure la durée. Dans son
rôle funéraire, Hathor est celle qui, au moment
où l'âme se sépare du 'corps, l'accueille et la
conduit en présence d'Osiris. Or, c'est ce premier instant du
voyage dans l'autre monde que symbolise notre groupe. Psamétik
vient de mourir; il est aussitôt accueilli par la vache divine.
qui va l'amener au dieu protecteur des morts.
Grâce au choix de la pierre dans laquelle elles sont
taillées et à l'incroyable fini du travail, il est
peu de monuments dans le Musée qui attirent plus facilement
l'attention que les trois statues trouvées dans le tombeau de
Psamétik. Nous dovons dire cependant que ce n'est pas par les
trois statues du tombeau de Psamétik qu'il faut juger de l'art
égyptien. Celles-ci sont l'aeuvre d'un praticien
extraordinairement habile et adroit; elles sont polies et
achevées comme tout ce qui appartient à cet art
patient et délicat qu'on a nommé l'art
saïtique; mais pour connaître l'art
égyptien ce n'est pas à elles qu'il faut s'adresser.
Certes il n'est rien, dans le plus élevé des travaux
produits par les artistes égyptiens, qui soit comparable à
fart grec. Mais en tant qu'art égyptien, c'est-à-dire
étant donné l'idéal qu'il est permis
à la race égyptienne de réaliser, la
statue de bois dont nous parlerons tout à l'heure est mille fois
supérieure aux statues du tombeau de Psamétik.
Nous entrons dans la série des monuments funéraires.
Sur la planche 11 sont déposes des monuments appartenant à
l'Ancìen-Empire. Ils ont été
trouvés dans les tombeaux de Saqqarah.
Dans l'état actuel des études épyptiennes, il
est assez facile de déterminer la dynastie à laquelle
appartiennent les monuments dont on demande l'âge. Mais quand
cette dynastie se classe à un rang antérieur à
la XVIIIme, il est impossible d'en donner la
date sans s'exposer à une chance considérable d'erreur.
Tout ce qu'on peut dire pour les monuments de l'Ancien-Empire, c'est qu'ils
proviennent de tombeaux appartenant à des personnages qui
certainement vivaient longtemps avant Abraham. Avec la planche 11, nous
sommes donc en présence de monuments remontant à ce
qu'on appelle justement une prodigieuse antiquité.
Pour bien comprendre la destination et le caractère des monuments que
nous introduisons dans la série des monuments
funéraires, il est nécessaire d'expliquer ce
qu'était une tombe égyptienne. On y trouve trois
parties distinctes:
La première est l'édifice qui signale la tombe de loin et
qui est plus ou moins décoré selon la mode du temps
auquel il appartient. On y trouve une ou deux chambres toujours
accessibles, où les survivants viennent se souvenir du mort et
apporter les offrandes destinées à honorer ses
mânes. A côté de ces chambres, perdu
quelque part dans la maĉonnerie et muré pour
l'éternité, est un réduit en forme de
corridor que les Arabes ont appelé Serdab.
La seconde partie de la tombe est un conduit en pente douce, bien plus
souvent un puits vertical qui s'enfonce dans la terre et aboutit aux
caveaux où reposent les momies: ici les survivants ne
pénètrent plus. L'orifice du puits est, en effet,
bouché par d'énormes blocs posés en
travers, ou bien le puits lui-même est obstrué par la
terre, le sable et les gravats dont on l'a empli.
Les caveaux constituent la troisième partie. Dans le caveau, le mort
est toujours seul et jamais le silence de sa tombe n'est troublé
par un bruit venu du dehors. Aussi longtemps que des mains profanes ne
viendront pas le troubler, il attendra le moment promis de la
résurrection et de la vie éternelle.
Telles sont les trois parties dont se compose une tombe égyptienne.
Quant aux objets qui étaient déposés dans la
tombe, et que par conséquent les fouilles ont chance d'y faire
retrouver, nous les éumérons de la manière
suivante.
Dans les chambres de la chapelle extérieure on peut trouver une ou
plusieurs de ces dalles funéraires qu'on appelle
stèles; on peut trouver des tables rectangulaires ou rondes sur
lesquelles les offrandes à faire au défunt sont
sculptées en relief; on peut trouver aussi ces offrandes
elles-mêmes taillées avec plus ou moins d'art dans la
pierre. Les statues y sont rares. Mais quand la tombe a subi des outrages
antérieurs ou est démolie, le déblaiement
permet de retirer des décombres et d'emporter des blocs ayant
fait partie des murailles, et sur lesquels des fragments de scènes
diverses sont conservés.
Ces réduits ménagés dans la
maĉonnerie que nous appelons des Serdab
n'appartiennent qu'à l'Ancien-Empire. On y rangeait le long du
mur des statues de toutes matières et de toutes dimensions
représentant le défunt. Quand on a la chance de
trouver un Serdab intact, il faut y
pénétrer en faisant un trou dans le plafond, et les
statues apparaissent alors, quelquefois au nombre de quinze ou vingt.
Les puits ne sont que des passages. On n'y découvre jamais rien.
Les caveaux sont, suivant l'époque, le désespoir ou la
ressource des fouilleurs. Sous l'Ancien-Empire (Saqqarah et Pyramides) on
peut se dispenser de les déblayer. Sous la XIme dynastie (Thèbes), la mode vient de
mettre à côté des morts des vases, des
vêtements, des meubles, des amulettes, des scarabées, des
pains, des vases à poudre d'antimoine, et l'ouverture d'une
caisse de momie de ce temps est aussi fructueuse qu'encourageante. Sous la
XIIme dynastie et la XIIlme (Abydos), on n'a guère à
espérer que de bonnes stèles. A partir de la renaissance
marquée par l'avènement de la XVIIIme dynastie jusqu'à la XXIIme (Thèbes), les caveaux commencent
à se laisser plus facilement pénétrer par
le Rituel, et on recueille des papyrus funéraires, des
statuettes funéraires, des canopes, rarement
mêlés à des objets usuels de la vie. Ces
mêmes objets ont disparu à partir de la XXIIme dynastie (Thèbes), mais les
papyrus, les statuettes, les canopes, deviennent plus nombreux, et quand les
Grecs (Thèbes et Saqqarah) s'emparent de l'Égypte, on
a affaire à des caveaux assez pauvrement meublés,
où les jolies statuettes de divinités, les amulettes
magiques sous toutes les formes, les poteries plus ou moins
grossières, récompensent seuls les efforts de
l'investigateur.
Voilà, distribués à la place môme
où on les trouve, les objets qui forment le mobilier d'une
tombe.
Le visiteur du Musée qui tient en main l'Album photographique est
maintenant préparé à mieux comprendre la
signification des planches qui forment la série des monuments
funéraires.
Au milieu de la planche 11 est une stèle funéraire au nom
d'un fonctionnaire de la VIme dynastie qui
s'appelait Papi-Nacht (Abydos).
Au pied de la stèle on aperĉoit le coin d'une table
d'offrandes rectangulaire (Saqqarah).
Sur le premier plan, une autre table d'offrandes de même forme n'a
pour tout ornement que les pains et les vases pleins d'une substance
inconnue qui y sont sculptés (Abydos).
Les autels en forme de pieds allongés sont d'une haute
antiquité, puisqu'ils remontent vraisemblablement jusqu'au
commencement de la IVme dynastie. Ces
vénérables contemporains des Pyramides sont des supports
de tables d'offrandes trouvés à Saqqarah.
On remarque aussi le pain rond à dessins quadrillés et les
trois oies préparées pour la table (Saqqarah). Ces
objets sont taillés dans la pierre et figurent les offrandes en
nature qu'aux époques de l'année prévues par
les lois religieuses on devait apporter dans la chambre du tombeau
réservée aux survivants.
Enfin la planche 11 nous montre encore, ĉà et là
disposés, les types des vases le plus souvent en usage sous
l'Ancien-Empire. Les cinq vases qui sont sur le premier plan sont en
poterie rouge grossière; on les trouve par milliers a Saqqarah et
aux Pyramides. Les deux autres sont en bel albâtre travaille
avec soin.
Si nombreux qu'ils soicnt, les tombeaux de l'Ancien-Empire qui sont venus
jusqu'à nous appartiennent, presque sans exception, à une
seule période, qui est comprise entre le milien de la IVme dynastie et le commencement de la VIme. En deĉà de la VIme dynastie et jusqu'à la XIme, un vide subit se produit, et nous ne croyons
pas qu'on puisse citer un monument qui y prenne sa place avec certitude. Au
delà de la IVme et jusqu 'au
commencement de la monarchie, le même vide se retrouve, quoique
ĉà et là on rencontre des tombeaux qui
témoignent par leur style de l'antiquité vraiment
très-reculée à laquelle ils remontent.
C'est de l'un de ces très-rares tombeaux que proviennent les trois
panneaux de bois reproduits sur la planche 12.
Le tombeau qui nous les a donnés est celui d'un nommé Hosi. Comme plan, comme construction, comme choix de
matériaux, ce tombeau se distingue profondément des
autres, et sur ces seuls indices nous le placerions dans l'une des
dynasties qui ont précédé la IVme. D'un autre côté, c'est au
même résultat que nous fait arriver
l'étude des trois panneaux de bois que nous avons sous les yeux.
Comparé au style des autres monuments de l'Ancien-Empire, le
style des panneaux prend, en effet, dans l'art égyptien la place
de ce qu'on appelle autre part le style archaïque.
L'extraordinaire finesse de la gravure, le groupement inusité
des hiéroglyphes et les formes rares de plusieurs d'entre eux,
l'arrangement jusqu'à présent unique des ustensiles que
le personnage portc dans ses mains, sont, en effet, des traits distinctifs
qui nous montrent dans les panneaux de la planche 12 des monuments plus
anciens encore que ceux des plus anciens tombeaux jusqu'ici connus des
nécropoles de Saqqarah et des Pyramides; on remarquera surtout
le caractère de la tête, dont les joues osseuses et
le nez fermement accentué n'ont absolument rien qui rappelle la
figure pleine, le nez rond, les lèvres épaisses et
souriantes qui sont la marque révélatrice de toutes
les autres statues de l'Ancien-Empire que possède le
Musée.
Le tombeau d'Hosi est construit en briques crues jaunâtres, et la
chambre principale est un long couloir percé de nombreuses
niches rectangulaires. C'est du fond de trois de ces niches que nous avons
retiré les précieux panneaux de bois de sycomore dont
nous venons de nous occuper.
Les stèles sont presque toujours des dalles funéraires
destinées à être placées
à la partie la plus apparente du tombeau; les inscriptions qui les
couvrent sont des épitaphes.
Les fouilles dont le Musée de Boulaq est sorti ont fourni à
cet établissement des centaines de stèles. Nous n'en
avons pas de plus anciennes que la IVme
dynastie: les plus modernes sont du temps des Romains.
Jusqu'à la XIme dynastie, les
stèles sont quadrangulaires. Elles ont quelquefois la forme
d'une simple dalle; beaucoup plus souvent elles sont
décorées d'un système de lignes droites
croisées qui simule la faĉade d'un tombeau du temps. La
stèle est ainsi le tombeau en raccourci. Mais à
partir de la XIme dynastie, la stèle
prend la forme qu'elle n'abandonne plus qu'à de rares occasions. Elle
est arrondie par en haut, comme si elle était
destinée à rappeler la courbure du ciel ou celle des
couvercles de sarcophages.
La faĉon de décorer les stèles varie avec les
époques, si bien qu'à la seule disposition des
figures et des textes, comme aussi au style de la gravure, un
archéologue habitué aux monuments
reconnaît la dynastie et quelquefois le règne auquel
une stèle appartient.
Nous choisissons au hasard dans le Musée et nous prenons comme
modèle la stèle que reproduit la planche 13.
Le haut de la stèle est censé se perdre dans le ciel. A
mesure que nous descendons vers le bas, nous nous approchons de la terre.
En d'autres termes, la sièle est partagée en trois
zones. La première et la plus élevée est celle
de l'infini qui s'étend au-dessus de nos têtes. Le
vase (ousehk) est l'espace incommensurable. Le sceau
(schu) désigne le temps,
également sans limite. Les deux yeux (out' a)
sont les symboles de la période dont le terme doit marquer la
définitive épuration de l'univers. Au second
registre, le défunt (qui s'appelle Pen-ta-our)
est déjà parvenu dans le monde moins
élevé et transitoire où règne
Osiris. Il adresse une prière au dieu assis sur son
trône. Derrière Osiris, Isis est debout. Elle vient de
ressusciter son frère, vaincu par le mal et la mort. Sa
présence à côté du dieu est ainsi
comme un symbole de l'immortalité promise à
Pen-ta-our. Au troisième registre enfin, les parents
du défunt envoient de la
terre des prières à Horus pour qu'il protège le
mort, comme lui-même a protaegé Osiris dans son
combat contre Set.
Un cartouche introduit comme ornement entre le premier et le
deuxième registre donne la date de la stèle. C'est en
l'an Ier du règne de
Ménéphtah que Pen-ta-our mourut. Pen-ta-our fut par
conséquent un des contemporains de Moïse. La
stèle a été découverte à
Abydos, dans la chapelle qui servait d'oratoire au tombeau de ce
personnage.
On a réuni sur la planche 14 des monuments divers provenant des
nécropoles.
Dans la seconde partie du Nouvel-Empire, c'est-à-dire de la XXIIme dynastie aux
Ptolémées, on a exceptionnellement
déposé dans les caveaux funéraires et
à còté des cercueils de momies des
stèles de bois recouvertes d'un stuc doré ou peints de
vives couleurs. Telles sont les deux stèles qui occupent le
centre de l'un des côtés de la planche 14. Sur l'une
d'elles est transcrit le chapitre XXX du Rituel habituellement
réservé aux scarabées funéraires.
Sur l'autre on voit au premier registre une dame défunte se
présentant devant le dieu Ra, accompagnée d'offrandes que
la piété des parents a déposées
devant le tombeau. Au second registre une petite
composition dans un style étranger aux habitudes de l'art
égyptien mérite de fixer l'attention. Le tombeau,
précédé d'une porte en forme de
pylône, s'élève sur la lisière du
désert. Une parente est à genoux, dans la posture des
pleureuses. Sous les arbres qui bordent les terres cultivées une
petite table chargée d'offrandes a été
disposée.
La planche 14 est occupée par d'autres monuments qui, comme les deux
stèles précédentes, proviennent de
l'intérieur des caveaux.
La mode vint sous les Grecs de décorer extérieurement les
momies de cartonnages peints, cousus ou appliqués par-dessus les
bandelettes. Le pectoral reproduit au sommet de la planche est un de ces
cartonnages.
Les sandales placées de chaque côté sont aussi
en carton peint. Ces sandales. souvent couvertes d'images de captifs
enchaînés, sont des symboles du mal vaincu et de la
mort domptée par la vie.
Les deux boîtes surmontées d'un épervier
accroupi sont destinées à contenir des statuettes
funéraires.
Quant aux statuettes funéraires, elles se rapportent à un
ordre d' idées qu'il est utile de préciser.
Arrivée à l'un des points de sa
pérégrination d'outre-tombe, l'âme avait
à cultiver les champs qu'on appelle les champs de l'Aalu. Il lui fallait labourer la terre, ensemencer,
récolter le blé. Les statuettes qui nous occupent ne sont
pas, comme on l'a dit, des images du défunt se livrant
à cette occupation. Elles sont plutôt soit des aides
qui lui sont fournis pour l'aider dans l'accomplissement de sa tâche,
soit des espèces d'amulettes destinées à
opérer magiquement et à faciliter le travail qui lui
est imposé.
Dans les croyances égyptiennes, l'immortalité
était acquise au juste non-seulement dans sou âme,
mais aussi dans son corps. L'âme, à sa
séparation du corps, ne subissant d'autres atteintes que celles
des épreuves auxquelles elle était soumise pour
justifier de sa pureté, il fallait que le corps
reĉût de nouveau le principe de vie qui l'avait
momentanément quitté. En d'autres termes, les
égyptiens croyaient a la résurrection de la chair.
Tel est, en effet, la base des doctrines que l'Egypte enseignait
relativement au sort de l'homme et à sa destinée. La
punition des méchants était
l'anéantissement; la récompense des bons
était la persistance de leur personnalité dans
l'autre monde. Là l'égyptien proclamé
juste redevenait lui-même, vivant pour
l'éternité d'une seconde vie, qui avait comme la
nôtre ses besoins, mais qui ne connaissait ni la douleur, ni la
mort.
Que la pratique de l'embaumement ait eu pour point de départ la
résurrection promise au corps, c'est ce qui n'est pas douteux.
Couché dans son cercueil et autant que possible à
l'abri de la corruption des vers, l'égyptien attendait le jour promis
où son âme devait de nouveau s'unir a sa chair.
La planche 15 montre toutes les précautions que les
égyptiens employaient pour préserver la
dépouille mortelle de l'un des leurs de toute cause de
destruction. Tout ce qu'on voit en effet sur cette planche est le
matériel funéraire d'une seule momie.
Après avoir été
desséchée, couverte d'amulettes de toutes sortes,
chargée de bandelettes en nombre incroyable, la momie ainsi
habillée était déposée dans le
cartonnage que l'on voit à gauche. Ce cartonnage était
lui-même déposé dans le cercueil de bois
dont le couvercle est à droite et dont la cuve est étendue
par terre. Puis venait un autre cercueil plus grand, ici
représenté entr'ouvert, où l'on enfermait
le premier. Le tout enfin était déposé dans le
sarcophage à oreillettes et à dos
voûté qui forme le sujet principal de la
représentation. Une quadruple enveloppe protégeait
donc la momie, sans compter les bandelettes, sans compter les textes
innombrables dont cet immense appareil est couvert, textes qui avaient pour
objet de placer directement le mort sous la protection des dieux.
Maintenant, quand nous aurons fait remarquer les quatre épervien
perchés sur les quatre oreillettes du sarcophage, le chacal
noir, emblème d'Anubis, remis à sa
place sur le dos du même
monument; quand nous aurons dit qu'à côté du
mort on trouve dans le caveau où il repose la stèle
de bois peint dont nous avons déjà parlé,
la boîte carrée où sont
déposées les quatre canopes, les deux
boîtes oblongues qui contiennent les statuettes
funéraires, on aura l'idée de ce qu'était
au complet une sépulture égyptienne. Pour ensevelir un
mort, il fallait, au temps des égyptiens, tout ce qu'on voit sur
notre planche 15, sans parler de l'édicule extérieur.
Nous ajouterons que, dans le cours de nos fouilles, il nous est arrivé
souvent de trouver des sépultures aussi compliquées
que celles dont nous présentons ici le tableau. Le lecteur est
averti cependant que nous n'avons pas réussi à assembler
les parties suffisamment conservées d'un même
tombeau, et que les boîtes et cercueils qui figurent ici dans un
but démonstratif proviennent de diverses momies. Mais si l'on
veut bien nous permettre de faire remarquer que tout ce que nous avons sous
les yeux appartient à des momies non-seulement du
même lieu et du même temps, mais de la
même famille, on verra que l'unité de notre tableau n'est
pas rompue.
C'est dans un des hypogées de Thèbes et dans un puits de la
XXIIme dynastie que les monuments
figurés sur la planche 15 ont été recueillis.
On sait qu'au commencement de la XXIIme
dynastie correspond le règne de Jéroboam.
Les égyptiens regardaient le scarabée comme l'animal qui
n'a point de femelle, et qui s'engendre lui-même. Le
scarabée est donc l'image parfaite du dieu sans commencement ni
fin; il est en même temps le symbole de la résurrection et
par conséquent de l'immortalité
réservée à l'âme qui a su
mériter cette récompense.
De là vient qu'on ne trouve les scarabées que sur les
momies.
Les scarabées qu'on trouve sur les momies sont de trois sortes.
Les premiers représentent l'insecte au naturel, les pattes
repliées sous le ventre. Aucun indice ne permet de
déterminer le rôle spécial de ces
scarabées. Ils sont souvent taillés dans un morceau
de marbre ou de porphyre noir tacheté de blanc.
Les seconds sont les scarabées funéraires. Ils sont en
général assez gros. Sur le plat, le chapitre XXX du
Rituel est gravé. Au jour de la résurrection, c'est le
caeur qui le premier recouvre le souffle vital, et le scarabée
placé dans l'intérieur de la momie doit occuper la
place du caeur. C'est, en effet, dans l'intérieur des momies et
à l'endroit désigné que les
scarabées de ce genre sont recueillis.
Les troisièmes sont les plus nombreux. Il faut n'y voir qu'une
promesse de résurrection et de vie future. Quelquefois on les
trouve dans l'intérieur des momies quelquefois aussi sur le sol
du caveau, où ils ont été jetés
comme au hasard: beaucoup plus souvent ils sont passés au moyen
d'un anneau d'or, d'argent, ou d'une simple cordelette, à
l'annulaire de la main gauche de la momie à laquelle ils sont
destinés.
La planche 16 nous montre le scarabée dans ces trois rôles.
Au sommet de la planche sont les scarabées sans légendes,
les pattes repliées sous le ventre.
Nous avons choisi pour les scarabées de la seconde espèce,
c'est-à-dire pour les scarabées
funéraires, trois échantillons divers. L'un d'entre eux
montre, gravé sur le plat, la légende du chapitre XXX
du Rituel. Sur les élytres du second sont les images d'Osiris et
de Ra. Le troisième offre cette particularité
d'être taillé dans la forme du caeur dont il doit
tenir la place.
Les scarabées de la troisième espèce
appartiennent en quelque sorte à tous les types imaginables.
Tantôt on y lit un simple nom de divinité,
tantôt on y voit un emblème religieux,
tantôt le nom d'un particulier et ses titres y sont
rappelés, tantôt on n'y aperĉoit que de
simples lacs, emblèmes des pérégrinations de
l'âme avant d'entrer dans le séjour
éternel.
Nous savons déjà que les égyptiens embaumaient
les corps dans un but d'avenir bien défini: au jour
donné, le corps devait être prêt à
recevoir l'âme qui allait venir l'animer de nouveau. Mais pour
arriver à ce résultat, on ne s'en rapportait pas
seulement aux pratiques matérielles de l'embaumement; on introduisait
aussi dans le corps des statuettes des emblèmes religieux qui
devaient opérer comme des talismans et préserver la
momie des influences malfaisantes qui auraient pu en provoquer la
destruction.
La planche 17 est un recueil des principales amulettes où
emblèmes qu'on trouve sur les momies.
Le naos placé en haut de la planche est un pectoral sur lequel une
adoration à Mnévis, le taureau
d'Héliopolis, est représentée.
Le sceau est 1 emblème des périodes éternelles
promises au défunt.
Toutes les plantes, fleurs et fruits, qu'on aperĉoit ĉa et
là, sont liés aux idées de. germination
pour une seconde vie, de rajeunissement, d'épanouissement, de
résurrection.
Le chevet est le symbole de la quiétude qui attend l'âme
juste dans l'autre monde.
L'autel à quatre degrés qu'on appelle un tat ou un nilomètre rappelle les idées de
stabilité, de durée. C'est l'image de l'Osiris
arrivé au terme de ses épreuves et se reposant pour
l'éternité de son combat contre le mal.
Les Pères de l'Église nous ont appris que la croix
surmontée d'une anse est le signe de la vie
éternelle.
L'aeil mystique, qu'on prononce ut'a, indique une
période achevée. Placé sur une momie, l'ut'a est un souhait qui s'adresse à
l'âme pour qu'elle parvienne saine et sauve au terme de ses
épreuves. Au fond, le tat et l'ut'a sont le produit des mêmes idées.
Les caeurs nous sont déjà connus. Dans le caeur
réside le principe vital. C'est par le caeur que
l'âme entrera dans le corps au jour de la résurrection.
A certains anniversaires, on apportait dans le tombeau des offrandes que le
défunt était censé offrir à
Osiris en se présentant devant lui. Les deux veaux aux jambes
liées sont deux des victimes que l'on a sacrifiées en
l'honneur de la divinité.
Les prescriptions du Rituel règlent d'ailleurs la manière
de déposer sur les momies la plupart de ces amulettes.
La série des monuments civils commence ici. Nous classons dans cette
série tous les objets qui touchent par un
côté quelconque à la vie civile des
Égyptiens, à leurs coutumes, à leurs arts,
bien que la plupart d'entre eux soient recueillis dans les tombeaux.
Nous n'avons pas à faire, pour la statue que reproduit la planche 18,
les réserves auxquelles nous obligeait la trop parfaite
exécution du joli groupe d'Hathor dont nous parlions tout
à l'heure (pl. 10). En effet, l'admirable statue de bois que
nous avons sous les yeux, depuis la tête vivante et parlante
jusqu'au corps trapu et gros. révèle tout
entière un artiste.
C'est à Saqqarah qu'elle a été
trouvée, dans la tombe du personnage qu'elle
représente, lequel vivait à Memphis dans la
première moitié de la IVme
dynastie. La statue de bois de Saqqarah est ainsi un des monuments les plus
anciens que l'on puisse voir. Quant à la date absolue
à laquelle elle remonte, on sait que nous ne
possédons pas encore une base fixe pour la
déterminer. Cependant les progrès de la science
amèneraient à reconnaître que l'ère
des Grandes Pyramides est éloignée de nous d'au moins
six mille ans, que rien dans ce fait ne devrait nous surprendre.
C'est le même personnage, reproduit sous deux autres points de vue.
La photographie, qui met la statue elle-même en
présence du spectateur, permettait seule cette reproduction. On
s'aperĉoit d'ailleurs que, de côté comme par
derrière. la statue frappe par son air de
vérité. Tout en elle est un portrait.
Toutes ces statues appartiennent à l'Ancien-Empire et ont
été trouvées a Saqqarah ou aux Pyramides.
Plusieurs d'entre elles représentent des femmes pétrissant
le pain destiné aux offrandes à faire dans le
tombeau. A côté, un homme accroupi introduit une
autre offrande dans un de ces vases que les nécropoles du temps
nous font découvrir en si grand nombre. Un personnage porte sa
main à la tête en signe de deuil. Une
épouse est debout à côté de son
mari qu'elle tient embrassé. On remarque à droite la
statuette de bois qui représente un homme enveloppé
presque à la romaine dans la longue draperie qui lui sert de
vêtement.
Ce qu'on a dit pendant si longtemps de l'immobilité de l'art
égyptien est ici démenti une fois de plus. Il faut
remarquer cependant que l'Ancien-Empire a pu seul nous fournir une
collection comme celle qui fait le sujet de notre planche 20. Plus tard l'art reprendra sa rigidité d'allures et
n'enfreindra plus que par exception et trèsrarement les lois qui
lui sont imposées.
Vases de toutes provenances et de toutes matières. On trouvera sur la
planche 11 le type des vases de l'Ancien-Empire. Aucun de ceux que nous
reproduisons sur la planche 21 n'est antérieur à la
XVIIme dynastie. Presque tous ont d'ailleurs
été découverts dans les tombeaux. Le plus
souvent ils sont vides. On en voit cependant qui sont encore pleins de
poudre d'antimoine, destinée à noircir les
paupières. Au fond de quelques autres on recueille des cendres,
du limon produit par l'eau qu'on y avait enfermée, des
matières animales enduites de bitume gluant.
L'admirable collection de vases d'argent que possède le
Musée de Boulaq entre comme sujet principal dans la composition
de la planche 22. A une époque de troubles, ils avaient
été enfouis dans un trou creuse en terre et
maĉonné, avec d'autres vases et divers ustensiles
également en argent que l'oxydation a complètement perdus.
C'est là qu'ils ont été
retrouvés. Thmuïs, ville de la Basse-Egypte, est le lieu
où cette curieuse découverte a été faite.
La partie de la nécropole de Thèbes appelée
Drah-abou'1-neggah est réservée presque tout
entière à des sépultures qui remontent
à la XIme et à la XVIIme dynastie. Si ces sépultures, le
plus souvent nues et dépourvues d'inscriptions, ne sont pas d'un
grand intérêt au point de vue scientifique proprement
dit, en revanche l'habitude que l'on a eue d'y ensevelir les morts avec des
monuments de toute sorte en fait un véritable lieu
d'approvionnement pour les Musées.
Les plus importants des objets compris dans notre planche 23.
c'est-à-dire les grandes toiles, la chaise, les tabourets, les
paniers en jonc tressé, les pains, les aeufs d'ibis et
d'épervier, la houe, ont été recueillis dans
les caveaux souterrains de Drahabou'l-neggah. Il n'y a pas un de ces
monuments qui ne soit au moins contemporain de Joseph, et on
s'étonnerait à bon droit que ces fragiles
débris aient pu traverser plus de quarante siècles
pour venir jusqu'à nous, si l'admirable climat de l'Egypte et en
particulier la nature sèche de la roche dans laquelle les
hypogées de Thèbes sont creusés ne nous
habituaient à ces phénomènes de conservation.
Le Muslée possède deux séries de
modèles de sculpture également remarquables.
Dans la première sont comprises des tètes royales
étudiées depuis l'ébauche simple
jusqu'à l'achèvement définitif. Des lignes
quadrillées tracées par derrière indiquent
les proportions à donner aux diverses parties de la figure. Le
catalogue de la seconde se compose de petites dalles rectangulaires sur
lesquelles sont sculptées, à toutes leurs
périodes d'avancement, des bas-reliefs représentant
tantôt des têtes royales, tantôt des
figures en pied de divinités, tantôt des animaux.
C'est à cette deuxième série qu'appartienncnt
les six bas-reliefs qui ont servi à former la planche 24 de
l'Album photographique. Les deux béliers à quatre
cornes inscrits sous les Noss 682 et 683 sont
des aeuvres d'art vraiment dignes de ce nom, et on ne saurait trop admirer
la hardiesse du modelé des Noss 652 et
654.
Nous rapprochons ici sur une même planche des statues de diverses
époques et de divers styles.
On reconnaît facilement dans le personnage à la figure
ronde, aux pectoraux accusés, aux hanches
développées, aux jambes nerveuses, une statue de
l'Ancien-Empire. C'est Nefer, architecte de Memphis,
que nous avons devant nous.
Un personnage trapu, à la tête petite, aux formes
anguleuses, représente l'art provincial d'Eléphantine
sous la VIme dynastie.
C'est aussi peut-être à la VIme
dynastie qu'appartient cet autre personnage dont le crâne pointu
et les formes trop élancées attirent l'attention. Comme le
précédent, il vivait à Elephantine et
c'est là que sa statue a été
retrouvée.
La XIIIme dynastie et les fouilles d'Abydos ont
donné au Musée ce fonctionnaire assis par terre, la
main gauche sortant de l'ample couverture dont il est enveloppé.
Si l'on compare ce nouveau personnage au Nefer dont nous venons de parler, on
verra qu'entre les deux époques il y a autant de
différence comme art que comme chronologie et comme histoire.
Les deux statues noires dont l'une tient le sistre, emblème d'Hathor.
et l'autre un objet inconnu surmonté d'une tête de
bélier, remontent à la XVIIIme' dynastie. Mais il est
juste d'ajouter que ces deux statues représentent mal une des
époques de Part égyptien, et qu'on n'y retrouve
aucune des qualités solides qui font de quelques statues du
Musée de Turin des aeuvres très-remarquables.
Enfin la jolie petite tête rappelle l'art saïtique et le
Psamétik de Saqqarah que nous avons décrit
à la planche 10. Des deux côtés, c'est le
même art qui cherche la perfection dans le poli et
l'achevé.
Cette belle statue, à l'aspect tout ensemble si simple et si
grandiose, ouvre dignement la division des monuments historiques. Le
personnage qu'elle représente est Chéphren, le
fondateur de la deuxième Pyramide. Nous sommes donc ici devant
un monument d'une antiquité si reculée, qu'au moment
où un artiste inconnu l'exécutait pour le temple du
Grand Sphinx, les trois quarts de la terre, pour ne pas dire la terre
entière, étaient certainement encore plongés
dans les ténèbres des âges
préhistoriques.
Il n'est personne qui n'ait été aux Pyramides de Gyzeh sans
visiter la singulière construction qui passe pour le temple dont
le Grand Sphinx était la divinité. C'est au fond d'un
puits situé dans l'une des chambres de ce temple que la statue
de Chéphren a été découverte. A
une époque de révolution qui restera sans doute
éternellement inconnue, la statue y avait
été précipitée la tête en
bas. et en tombant s'était fait les blessures dont le bras
gauche et la jambe gauche portent malheureusement les marques.
Nous n'avons pas besoin de faire ressortir les qualités qui
distinguent la statue de Chéphren. On conserve au
Musée de Turin des statues royales qui l'égalent
peut-être comme perfection de travail, mais qui certainement ne
la surpassent pas. Ainsi, dès le commencement de la VIme dynastie, l'art égyptien avait atteint
son apogée et fourni tout ce qu'il pouvait donner.
On peut discuter sur l'époque de la gravure des textes dont la pierre
qui occupe la planche 27 est couverte; on ne discutera pas sur
l'intérêt des renseignements que ces textes
fournissent.
L'inscription qu'on lit sur le pourtour de la pierre est une dédicace
au nom de Chéops, le fondateur de la première
Pyramide. On y voit que, tout en construisant sa Pyramide et celle de sa
fille Hent-sen, Chéops avait
restauré un temple d'Isis existant déjà
sur le plaleau où s'élèvent les Pyramides, et
embelli cet antique sanctuaire de nouvelles images de divinités.
Les noms des divinités dont Chéops avait relevé
les autels, les dimensions, la matière de leurs statues, sont en
effet rappelés au registre principal de la pierre.
Nous ajouterons que le Grand Sphinx de Gyzeh figure parmi les statues dont
il est fait mention ici. Ce colossal emblème existait donc
déjà du temps de Chéops. Il est par
conséquent plus ancien que les Pyramides elles-mêmes.
Deux dates donnent à la stèle
représentée sur la planche 28 un
intérêt historique. La stèle est en effet
datée à la fois de l'an 30 d'Amenemha Ier et de l'an 10 d'Ouser-tasen, circonstance
qui serait inexpliquable si nous ne savions que ces deux rois ont
régné simultanément sur l'Egypte.
La stèle a double date que nous reproduisons, ici ne
s'éloigne pas d'ailleurs du type général
des stèles de la XIIme dynastie. Sous
l'Ancien-Empire, on chercherait en vain parmi les
représentations des tombeaux et au milieu des tableaux qui
couvrent les stèles une seule image de divinité, et
il est extrêmement rare qu'on en rencontre sur les monuments du
Moyen-Empire. La stèle à double date n'échappe
pas à cette règle. Les personnages qu'on y a
introduits ne sont en effet que le défunt en souvenir duquel la
stèle a été érigée, ses
parents et les gens de sa maison. Aucune divinité ne s'y montre.
Quant à la division des registres, elle est basée sur les
principes que nous avons résumés autre part. Au
premier registre, le défunt (qui s'appelle Entef) a déjà
pénétré dans le royaume d'Osiris, et une
prière est faite à ce dieu pour qu'il lui accorde les
dons funéraires. Au second registre, ce n'est plus sur la
divinité que se fixe principalement l'attention. Entef est assis
à côté de sa femme (qui pour une cause que
nous ignorons a mérité d'avoir son nom
martelé), et le fils aîné de la maison se
présente accompagné d'une table richement
chargée d'offrandes. Aux deux derniers registres enfin, le
défunt disparaît à son tour et sa nombreuse
famille est réunie dans la chambre du tombeau
réservée aux survivants, tandis que des serviteurs
amènent les animaux destinés aux sacrifices.
Le Musée de Boulaq possède une riche collection de bijoux.
Les uns ont pour origine les fouilles faites ĉa et là
dans les nécropoles de Memphis, de Thèbes et
d'Abydos. Les plus nombreux et les plus intéressants proviennent de
la découverte faite à Thèbes du cercueil
de la reine Aali-hotep.
Le rôle politique de la reine Aah-hotep est inconnu. Ce qu'il y a de
certain, c'est que, quand elle mourut, elle fut ensevelie avec un nombre
considérable de bijoux marqués tantôt au
nom de Kamés, roi de cette dynastie
éphémère qui régnait à
Thèbes pendant que les Pasteurs occupaient le nord de l'Egypte,
tantôt au nom d'Amosis, le célèbre
conquérant à qui revient l'honneur d'avoir
purgé le sol national de ces envahisseurs. Selon toute
vraisemblance, la mort de notre reine eut donc lieu au commencement de la
XVIIIme dynastie, ce qui donne aux bijoux qu'elle emporta avec elle dans sa
tombe environ trois mille sept cents ans de date.
Contre toutes les habitudes, Aah-hotep avait été ensevelie,
non dans un souterrain précédé d'une
chambre mortuaire, mais en pleine terre et à un mètre
à peine du sol. Le couvercle du cercueil était tout
doré, la cuve était peinte en gros bleu. Des bijoux
destinés à la momie royale, les uns étaient
déposés au fond du cercueil, les autres
adhéraient extérieurement aux bandelettes, les autres
enfin couvraient directement le cadavre.
L'admirable chaîne à laquelle est suspendu un
scarabée d'or était parmi ces derniers. Elle mesure
quatre-vingt-dix centimètres de longueur. Le crochet et les
élytres du scarabée sont enrichis d'un curieux
travail de lignes d'or ménagées avec une
délicatesse remarquable de dessin dans une pâte de
verre bleu tendre.
A droite de la planche, entre deux mouches d'argent ramenées
à la forme hiératique que nous connaissons par
d'autres monuments, est un poignard à lame de bronze et
à poignée d'argent. On emboîte le disque qui
forme la poignée dans le creux de la main, et à
l'aide de la lame qui passe entre l'index et le médium on obtient une
force et une sûreté de coup qui étonnent.
Le pectoral en forme d'édicule aurait mérité une
planche à lui seul. Il représente Amosis debout sur
une barque; des divinités lui versent sur la tête l'eau de
purification. On dit généralement que ce curieux
monument est un exemple de l'emploi
des émaux chez les Egyptiens. Il n'en est rien. Le dessin du pectoral
est obtenu par des cloisons à parois et à fond d'or
dans lesquelles sont adroitement insérées des
plaquettes de lapis-lazuli, de cornaline, de turquoise, de pâte
imitant le jaspe vert, taillées dans le modèle du
dessin que l'on voulait obtenir.
Les bracelets placés a côté du pectoral ne
méritent pas moins l'attention. Le premier se compose de deux
plaquettes réunies par une charnière que ferme une
épingle d'or. Des perles d'or, de lapis, de feldspath vert et de
cornaline rose disposées en triangle forment le corps des
bracelets. L'harmonie de tons qui résulte de cet arrangement se
perd malheureusement dans la photographie.
Un magnifique miroir, des bracelets de bras et de jambes en or et en argent,
sont disposés au milieu de cette seconde planche de bijoux.
On y remarque aussi une barque munie de ses rameurs et montée sur
une sorte de chariot. La barque est d'or massif, les rameurs sont d'argent,
le plancher du chariot 'est en bois et les roues en bronze. Une autre
barque, tout entière en argent, fait aussi partie de la
collection des bijoux de la reine Aah-hotep. On s'explique d'autant moins
la présence de ces singuliers monuments à
l'intérieur d'un cercueil, que le personnage assis au milieu de
la barque d'or et convoyé par elle, n'est pas la reine, ni un
des deux rois dèdicateurs, mais un personnage qu'aucun signe
extérieur ne permet de reconnaître.
Deux boucles d'oreilles garnissent l'extrémité de la
planche. Elles sont formées d'un disque d'or augmenté
d'uraeus de la même matière. On lit sur chacune d'elles
le nom de Ramsès VIII. Ces précieux monuments ont
été trouvés à Abydos sur la
momie d'un fonctionnaire dont le nom est inconnu. Vraisemblablement ils
sont votifs, et en tous cas, s'ils ont été
portés pendant la vie, c'est à la perruque dont les
égyptiens avaient coutume de se couvrir la tête
qu'ils étaient suspendus.
Tous les monuments qui couvrent cette planche se recommandent par leur
finesse et la perfection de leur exécution.
Les anneaux de bras et de jambes reparaissent ici, avec une chaîne
garnie d'une boule en cristal de roche.
Au milieu sont trois mouches d'or massif reliées par une
chaîne de même métal. Ces mouches
forment-elles un simple ornement? Faut-il y voir une décoration?
Cette opinion a prévalu, bien que pour l'asseoir sur une base
définitive il faudrait peut-être des preuves plus
solides que celles sur lesquelles on s'appuie pour faire de la mouche la
marque extérieure d'une récompense honorifique.
Plus bas est un diadème. Deux sphinx sont disposés de
chaque côté d'une capse en or dont la partie
supérieure a la forme d'un cartouche.
Les deux bracelets placés à côté du
diadème sont d'un travail délicat que la
réduction nécessitée par la composition de la
planche ne fait pas suffisamment valoir. Un vautour, les ailes
éployées, forme le motif de la décoration du
premier. Le second se compose de deux parties arrondies retenues par une
charnière. Sur un fonds de pâte bleue imitant le
lapis sont disposées des figures en or. Il faut tenir dans la
main ce très-précieux monument pour pouvoir juger de
l'extrême finesse de sa gravure. Le pectoral, le poignard
à lame d'or dont nous allons parler et le bracelet que nous
décrivons en ce moment, sont les trois principaux bijoux dont le
Musée de Boulaq s'est enrichi par la découverte du
cercueil de la reine Aah-hotep.
Nous appelons aussi l'attention sur les deux haches. Le tranchant de l'une
est en argent, le tranchant de l'autre est en or. Sur le manche de celle-ci
est adaptée une feuille d'or 'dans laquelle est
incrustée, au moyen de pierres diverses, la légende
complète d'Amosis.
Enfin, nous signalons les deux poignards. Le manche de celui qui occupe
l'extrémité gauche de la planche est en or massif et la
lame est en bronze. L'autre, comme le pectoral, mériterait une
planche à part. Le pommeau est orné de quatre
têtes de femme en feuilles d'or repoussées. La
poignée proprement dite est décorée d'une
série de triangles d'or, de lapis, de cornaline et de feldspath.
Quant à la lame, elle est en or. Une bande de métal
sombre, sur laquelle des dessins variés sont
incrustés par le procédé du damasquinage,
la traverse par le milieu.
On demandera peut-être comment trois poignards, deux haches, sans
parler des autres haches qui ne figurent pas ici, sont introduits parmi les
objets destinés à accompagner une reine dans son
cercueil. A la rigueur, la présence de la hache trouve son
explication dans ce fait que les hiéroglyphes écrivent,
par la hache le nom de Dieu. Mais aucun sens symbolique ne permet
d'appliquer au poignard cette interprétation. En tous cas on
voit par les trois planches des bijoux que nous sommes ici absolument en
dehors des prescriptions du Rituel.
L'étude des monuments permet d'affirmer que Thoutmès III
fut grand entre tous les rois d'Egypte. Sous son règne, l'Egypte
retrouva le prestige que la désastreuse invasion des Hycsos lui
avait fait perdre. Au nord, au sud, à l'est, à l'ouest,
elle rentra dans ses anciennes possessions, et même en acquit de
nouvelles.
A ce moment, un poète dont le nom ne nous est pas connu composa
en souvenir des conquêtes de Thoutmès III un chant
d'un rhythme particulier dont un exemplaire gravé sur granit
noir fut jugé digne d'être placé dans le Grand
Temple de Karnak.
C'est cet exemplaire qui, retrouvé par nous, fait aujourd'hui partie
des richesses conservées dans le musée de Boulaq.
La stèle est divisée en deux registres.
Deux scènes à peu près semblables occupent le
registre supérieur. Ammon-Ra, roi des dieux, seigneur du ciel,
reĉoit les hommages de Thoutmès en présence
d'une déesse qui personnifie la Théba'ïde
et peut-être, par extension, l'Égypte.
Le texte qui fait l'objet principal de la stèle couvre le second
registre tout entier. Nous avons publié dans la Notice sommaire du Musée de Boulaq,
édition de 1869, une traduction aussi complète que
possible des parties de ce curieux document accessibles à nos
études. Pour donner aux lecteurs de l'Album un échantillon
de la littérature égyptienne au XVIIIme
siècle avant notre ère, nous en reproduisons ici la fin.
C'est le dieu qui parle, s'adressant au roi qui lui adresse ses hommages.
Les versets se suivent dans l'ordre suivant:
1. Je suis venu, et je t'accorde de frapper—les
princes de Tahi; je les précipite sous tes pieds quand tu
traverses leurs contrées.
Je leur ai fait voir ta majesté—telle
qu'un seigneur de lumière; tu resplendis sur eux comme mon
image.
2. Je suis venu, et je t'accorde de frapper—les
habitants de l'Asie, de réduire en captivité les
chefs du pays des Rotennu.
Je leur ai fait voir ta majesté—revêtue de la ceinture, saisissant ses armes et combattant
sur son char.
3. Je suis venu et je t'accorde de frapper—le pays
de l'est, de pénétrer jusqu'aux villes de la
terre sacrée.
Je leur ai fait voir ta majesté—telle que
l'étoile Canope qui projette sa
flamme et donne la rosée.
4. Je suis venu, et je t'accorde de frapper—le pays
de l'ouest; Kefa et Asi sont sous ta terreur.
Je leur ai fait voir ta majesté—telle
qu'un taureau jeune et courageux; il est armé de cornes et
rien ne lui résiste.
5. Je suis venu, et je t'accorde de frapper—les
habitants de tous les districts; les pays de Matentremblent de terreur devant toi.
Je leur ai fait voir ta majesté—telle
qu'un crocodile (?); il est le maître terrible des eaux;
personne ne peut l'approcher.
6. Je suis venu, et je t'accorde de
frapper—ceux qui sont dans les
îles; les habitants de la mer sont sous (la terreur) de tes cris de guerre.
Je leur ai fait voir ta majesté—telle
qu'un vengeur qui s'élève sur le dos de sa
victime.
7. Je suis venu, et je t'accorde de frapper—les
Tahennu; les îles de Tana, tes esprits s'en sont empares.
Je leur ai fait voir ta majesté—telle
qu'un lion terrible à voir, qui se couche sur leurs cadavres
à travers leurs vallées.
8. Je suis venu, et je t'accorde de frapper—les
districts des eaux; que ceux qui entourent la grande mer soient
liés par ta main.
Je leur ai fait voir ta majesté—comme le
roi de l'aile (qui plane) et saisit de sa vue
tout ce gui lui plaît.
p. Je suis venu, et je t'accorde de frapper—ceux qui
sont dans leurs,
que les Heruseha (les Bicharis
actuels) soient réduits par toi en
captivité.
Je leur ai fait voir ta majesté—comme le
chacal du midi, celui qui dans sa marche cachée, parcourt le
pays.
10. Je suis venu, et je t'accorde de frapper—les Anu de Nubie; que les Remenem soient sous ta main.
Je leur ai fait voir ta majesté—comme
ceux qui sont tes deux frères; leurs bras se rassemblent sur
toi pour te donner.
On a dit que l'art égyptien est toujours et partout semblable
à lui-même. Pour montrer la différence des
époques et des styles, nous donnons ici la photographie de deux
statues de granit. Toutes deux représentent un roi. Elles ont toutes
deux à peu près la même pose, et le hasard
fait qu'elles ont les mêmes dimensions. Mais la statue de droite
est le portrait de Thoutmès III, la statue de gauche
représente un Ptoléméc. de sorte que plus
de dix siècles prennent place entre les deux monuments. Or,
autant la statue de Thoutmès est d'un travail fini tout en
restant vigoureux; autant les proportions y sont justes et harmonieuses
malgré l'arrangement toujours bizarre de la coiffure et de la
barbe, autant le Ptolémée est raide et en quelque sorte
guindé.
Cette nouvelle tête d'un type égyptien et d'un
modelé si accompli est tout ce qui reste d'une statue qui
représentait un roi debout, tenant de sa main gauche une
enseigne surmontée d'un bélier, emblème
ordinaire de Chnouphis. La barbe carrée, la haute coiffure qui
surcharge et écrase la tête, nuisent évidemment
à l'harmonie générale du monument. Mais on
ne saurait trop rendre justice au ciseau habile qui, dans la face, a su
donner au granit la souplesse de la nature vivante.
L'inscription qui couvre le derrière du monument est malheureusement
brisée et ne nous apprend pas de quel roi nous avons ici le
portrait. A certaines analogies revélées par le
dessin du profil, nous serions cependant tentés d'y voir le fils de
Ramsès II qui régna sous le nom de
Ménephtah et qui fut le contemporain de l'Exode.
L'art égyptien est un art conventionnel qui, tout en restant plus ou
moins loin de la nature, sut produire des aeuvres qui ne
dépaysent pas toujours l'aeil et le charment quelquefois. La
tête trop grosse, les bras trop longs de la belle statue
d'albâtre reproduite sur notre planche 35 n'empêchent
pas, en effet, ce monument de former un ensemble qu'on aime à
voir.
Amnéritis est le nom de la reine que la stèle
représente. Huit cents ans environ avant ``notre ère,
l'Egypte était possédée par les
éthiopiens et le roi régnant s'appelait Piankhi.
C'est Piankhi que la reine épousa, et de son mariage avec le monarque
éthiopien naquit la princesse Schap-en-ap qui devint
l'épouse de Psammétichus Ier,
le restaurateur de la monarchie égyptienne.
La statue d'Amnéritis a été trouvée
à Karnak, tombée la face contre terre à la
porte de l'une des chapelles qui ornaient l'enceinte du nord.
Les scarabées sont très—souvent des objets
auxquels une banale curiosité donne seule de
l'intérêt. Il en est cependant quelques-uns qui ont leur
importance scientifique. Le nom d'un certain nombre de rois n'est connu que
par des scarabées, et c'est par des scarabées que les
événements qui illustrèrent certains
régnes nous sont révélés.
Quatorze scarabées couvrent la planche 36. Ils ont tous plus ou moins,
au point de vue scientifique, l'intérêt que nous
venons de signaler.
On lit sur le No 505 le seul nom d'Osiris enfermé dans un cartouche.
On sait que tout nom propre entouré de l'encadrement elliptique
auquel on donne le nom de cartouche désigne un roi. Le cartouche
attribué à Osiris rappelle donc le souvenir du temps
où ce dieu était descendu sur la terre et avait
régné sur les hommes.
Le No 507 porte le nom de Mycéninus (IVme
dynastie). Il n'y a pas de raison pour que ce cartouche ne soit pas du
temps. Ce fragile monument serait donc contemporain de la
troisième pyramide.
Le scarabée qui est inscrit sous le No 519 et les deux
scarabées sans numéros placés au milieu de
la planche sont de la XIIme dynastie.
Sur le plat du Nos 525 on lit la légende
complète (cartouche-nom et cartouche-prénom) d'un roi
qui s'appelait Ra-meri-nefer Ai et qui régna sur l'Egypte entre
la XIIme dynastie et l'arrivée des
Pasteurs.
Les Nos 525, 526, 527, 528, nous
révèlent des rois dont le souvenir s'est si
complètement effacé que les scarabées du
Musée de Boulaq sont les seules traces que nous ayons de leur
passage sur le trône. Au style de la gravure, on juge qu'ils
doivent appartenir soit à la XIme, soit
à la XIIIme dynastie.
Les scarabées que nous venons de passer en revue appartiennent
à la classe des scarabées qu'on trouve habituellement
passés comme une bague à l'annulaire de la main
gauche des momies. Les trois derniers dont il nous reste à parler
sont des scarabées dits funéraires. Seulement le
chapitre du Rituel qui y est habituellement gravé est. ici
remplacé par des textes historiques dont l'importance
n'échappera à personne.
Le No 541 est destiné à rappeler à la fois le
souvenir du roi Aménophis III dont le protocole royal au complet
occupe la première partie du texte, le souvenir de la reine
Taïa, sa femme, le
souvenir du père et de la mère de la reine qui
s'appelaient l'un louaa, l'autre Touaa (ce qui prouve que la reine n'était pas de sang
royal). La légende se termine par une
énumération des frontières de
l'Égypte au sud et au nord sous le règne
d'Aménophis III.
Le Nos 542 est de même origine; mais les
faits qui y sont rappelés sont d'un ordre tout
différent. Après le protocole royal, identique au Nos précédent, le texte
nous apprend en effet que de l'an I à l'an X de son règne,
Aménophis avait tué de sa main cent deux lions. Les
frontières égyptiennes s'étendant à
ce moment assez loin en Syrie et dans le Soudan, on voit par là
que les chasses royales ont pu ne pas avoir pour
théâtre le sol égyptien proprement dit.
Rappelons-nous d'ailleurs que, sur la muraille nord de
Médinet-About, un des successeurs d'Aménophis,
Ramsès III, chassait aussi le lion dans les roseaux qui bordent
les cours d'eau du Liban. Seulement le bas-relief de
Médinet-About ne nous dit rien du nombre des animaux abattus par le
royal chasseur.
La décoration du Nos 156 est
formée de trois registres superposés. Au premier, le
roi Néchao (XXVIme dynastie) est debout
entre Isis et Neith. L'un lui offre une masse d'armes. 1 autre une image du
Mars égyptien. On lit au second registre la légende
complète du pharaon. Enfin le troisième est
occupé par les images de deux ennemis vaincus et
enchaînés.
On a réuni sur la planche 37 des monuments qui, par les noms qu'ils
citent ou par les personnages qu'ils représentent, se rapportent
a l'histoire.
Sur le manche du sistre placé en haut de la planche est le nom de
Darius, un des rois persans de la XXVIIme
dynastie.
A côté sont deux briquettes de faïence choisies
parmi celles qui ont été trouvées enfouies
en grand nombre dans les fondations du grand temple de Tanis. Elles sont de
la XXIme dynastie et rappellent le souvenir de l'un
des Psousennès.
Le long bâton plat recourbé n'est qu'un sabre. Il est en
bois dur. On a grave sur un des côtés de ce qu'on a
quelque peine à nommer la lame le cartouche du roi Ta-aa (XVIIme dynastie), sur l'autre le nom du
prince Touaou le ministre du roi dans ses
expéditions. Si les ennemis n'en avaient pas de meilleurs
à opposer, le sabre du prince Touaou pouvait être
entre ses mains une arme aussi mortelle que toute autre.
Les deux haches proviennent du cercueil de Aah-hotep. Sur le tranchant de
l'une d'elles est la légende de Kamès, autre roi de la
XVIIme dynastie que nous avons eu occasion
de citer déjà.
Les stèles sont, l'une de la XIIme
dynastie, l'autre de la XXIIme. La
première vient d'Abydos, la seconde de Saqqarah.
Les trois vases cylindriques sans légendes ont
été trouvés avec un quatrième
à côté du cercueil de la reine Aah-hotep.
Ils feraient croire que nous avons affaire a des canopes.
On remarquera encore le joli petit bronze représentant un roi
agenouillé dans une des postures de l'adoration, le petit bronze
voisin représentant une reine debout, d'autres plaquettes de
Sân au nom d'un Psousennès, le vase No 515
gravé au nom de Meri-en-Ra un des pharaons de la VIme dynastie, les deux sceaux (Nos 530 et 531) sur lesquels la même
main a gravé le nom de Ra-s-Kenen, souverain
de la XVIIme dynastie, et celui du roi inconnu jusqu'ici dont le nom s'écrit
Amen-si, la tête de reine assez
grossière (No 516) qui remonte peut-être à la
VIme dynastie et qui provient d'Abydos,
etc.
La photographie nous dispense de décrire la statue assez
médiocre que reproduit la planche 38.
Elle est en marbre blanc et de travail romain. Elle a été
trou à Tell-Mokdam (Basse—Egypte) et
représente vraisemblablement une dame du temps. Le bas de la
robe porte des traces de peinture.
Seconde planche consacrée aux objets grecs et romains qui font partie
de la collection de Boulaq.
Au sommet est un buste de porphyre rouge, qui a été
trouvé à Benha (Basse-Egypte). 11 est d'assez
mauvaise exécution. Le personnage aux yeux
démesurément ouverts qui est ici
représenté est sans doute Maximien Hercule.
Nous n'avons que peu de mots à dire des trois tètes qui
garnissent la planche avec le buste de l'empereur que nous venons de
nommer.
La tète du milieu est d'un bon travail que la photographie,
empêchée par le ton plus sombre du buste en porphyre
et de la tête en granit noir, ne fait pas suffisamment valoir.
Elle a été découverte au Fayoum et il y aurait
quelques motifs de la faire remonter jusqu'à l'époque
des Ptolémées.
Sous les dynasties nationales, on plaĉait dans les temples
non-seulement des statues de divinités et des statues de rois,
mais quelquefois aussi des statues de particuliers. 11 ne paraît
pas que cet usage ait été abandonné sous les
Romains. Seulement les statues romaines ont plus ou moins subi l'influence
de leur époque. On trouve quelquefois dans les ruines qui
couvrent en si grand nombre les bords du Nil des statues mutilées
dont la pose générale est celle des statues
égyptiennes. La tête est sans expression, les cheveux
taillés court n'ont rien des perruques du temps des pharaons, le
corps est couvert de longues robes disposées sans plis. Telles
sont les statues dont, sous les Romains, les lois religieuses du pays ont
admis la présence dans les temples; telles étaient
vraisemblablement les deux statues dont les têtes occupent une place
aux deux extrémités de notre planche 39.
L'une est en marbre blanc et provient de Louqsor; l'autre est en granit et a
étè recueillie dans les ruines du grand temple de
Tanis. Une bande d'obélisque, qui est encore apparente
derrière la tête, montre que la statue dont cette
tête faisait partie était adossée
à une plinthe selon la mode égyptienne, ce qui prouve
qu'elle est le produit de cet art mixte dont nous venons de signaler les
caractères principaux.
Les bijoux que fournit cette nouvelle collection sont d'époque
romaine, et ont été trouvés ensemble dans
un terrain dépendant du village moderne qui a
succédé à l'ancien Saïs
(Basse-Égypte). Comme les vases d'argent que nous avons
décrits autre part (pl. 22), ils avaient
été sans doute enfouis pendant des troubles à
l'endroit où le hasard les a fait retrouver. Ils sont tous en
or, et quelques-uns sont rehaussés de plaquettes de verre
imitant l'émeraude.
Il est assez difficile, du reste, de déterminer d'un
emanière précise la destination de la plupart de ces
objets. Les bracelets en forme de serpent roulé parlent
d'eux-mêmes et n'ont pas besoin d'être
décrits. Au bas de la planche est un bandeau coupé en
forme d'ovale au centre duquel apparaît une tête de
Gorgone; il faut sans doute y voir un ornement de tète. Deux
disques, aussi à têtes de Gorgone, sont reliés
sur quatre chaînes d'or. Deux de ces chaînes sont
fixes, les deux autres se rattachent au moyen des agrafes. Ce magnifique
bijou frappe l'attention par sa richesse; mais l'usage en reste douteux, et
nous en dirons autant de l'autre bijou semblable qui se distingue du premier par
les têtes de Gorgone dont les deux disques sont
ornés.